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L'Univers en une équation

Cosmologie - Astronomie - Astrophysique Voir descriptif détaillé

L'Univers en une équation

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Choisissons une équation parmi les nombreuses existant en cosmologie et en astrophysique, une équation découlant de la relativité générale par exemple et regardons la sous toutes les coutures. Malgré un aspect peu engageant au premier regard, elle nous fera remonter le temps jusqu’au prémices de l’Univers, et nous expliquera comment celui-ci a évolué en 13.7 milliards d’années pour devenir ce que l’on observe aujourd’hui : des myriades d’étoiles logées dans d’innombrables galaxies formant elles-mêmes les plus grandes structures liées par la gravitation dans l’Univers, les amas et super-amas de galaxies. Elle nous éclairera également sur le contenu énergétique de l’Univers, tentant du mieux qu’elle peut de nous faire approcher la mystérieuse matière noire et l’énergie noire.


Un manque de popularité

De toutes les équations que les physiciens ont emprunté aux mathématiques afin de décrire le plus précisément possible le monde qui les entoure, il en est une qui à mes yeux manque injustement de reconnaissance.
Une équation moins connue, par exemple, que celle qui symbolise dorénavant la relativité restreinte [7] [8] et qui clame de manière simple et élégante l’équivalence entre masse et énergie, E=mc^2, autorisant sans vraiment que nous en mesurions les conséquences le développement de l’énergie atomique. Une équation beaucoup moins célèbre que celle, très troublante, régissant le comportement de l’infiniment petit, \sigma_x\sigma_p\gg\hbar/2 , et nous apprenant qu’aucun expérimentateur ne pourra jamais mesurer avec précision à la fois la position et la vitesse d’une particule [9]. Comme si vous pouviez connaître la vitesse du TGV qui vous emmène en week-end, mais sans avoir aucune idée précise de la position du train entre vos destinations de départ et d’arrivée [10].
L’autre équation qui va nous intéresser a donc moins facilement traversé les époques, est moins évidente à raccourcir. Par conséquent, sa beauté et son utilité sont moins frappantes au premier coup d’œil. Pourtant, elle représente à elle seule une des (très nombreuses) conséquences de la relativité générale et permet de retracer presque entièrement l’histoire, l’évolution de notre Univers de ses premiers instants jusqu’à nos jours. Cette équation, la voici :

H(z)=H_0\sqrt{\Omega_m(1+z)^3+\Omega_k(1+z)^2+\Omega_r(1+z)^4+\Omega_\Lambda}.

Préambule nécessaire

L’expansion de l’Univers
Chaque coccinelle représente une galaxie, ou un amas de galaxies posé sur la trame de l’espace-temps. Au fur et à mesure, les coccinelles s’éloignent les unes des autres, soumises à la dilatation de l’espace-temps. Attention, en réalité cette dilatation a lieu à partir de tous les points de l’Univers, et ce dernier ne s’étend pas dans quelque chose de plus grand que lui. La figure est tirée de ce site.

Avant d’expliquer les différents termes qui la composent et d’en déduire l’évolution de l’Univers, un léger avant-propos s’impose (léger, c’est promis). Tout d’abord : regarder loin dans l’Univers, c’est explorer son passé. La lumière du Soleil met 8 minutes environ à nous parvenir, nous le voyons donc tel qu’il était il y a 8 minutes. Par extension, plus les astronomes sont capables d’observer loin plus l’on découvre les secrets les plus enfouis de la cosmologie. C’est en partant de ce constat simple, en en se servant des outils mathématiques fournis par la relativité générale que la cosmologie, ou l’histoire de l’Univers dans son ensemble, a pu prendre son envol et être reconnue en tant que science exacte.
Deuxième information préalable : l’Univers est en expansion [11]. Le modèle d’Univers stationnaire défendu bec et ongles par Einstein, au moins autant pour des raisons scientifiques que philosophiques, vole en éclat. Non seulement toutes les étoiles et galaxies que l’on observe s’éloignent de nous de manière inquiétante, mais cette expansion a lieu en tout point dans l’Univers. Ajoutons aussi que l’Univers se s’étend pas dans quelque chose d’autre (comme un ballon de baudruche que l’on gonfle et qui occupe l’espace offert par l’air situé autour de lui), mais c’est l’espace-temps lui-même qui se dilate (voir figure ci-contre). À ce moment-là, l’esprit humain commence à ressentir ses limites et il devient compliqué d’imaginer comment tout cela est possible. Admettons-le pour autant. Imaginons ensuite une galaxie s’éloignant de nous : les astronomes observent sa lumière se décaler vers les grandes longueurs d’onde (c’est-à-dire vers le rouge) avec le temps. Une sorte d’effet Doppler, celui-là même qui vous fait entendre une sirène d’ambulance plus grave à mesure qu’elle s’éloigne. Ce décalage vers le rouge dû à l’expansion de l’Univers, nous donne une idée, une échelle, du temps auquel ont été émis les photons appartenant à la galaxie, nous permettant de situer dans le temps et l’espace l’endroit où se trouve notre galaxie test. On utilise alors un paramètre appelé z afin de décrire ce décalage vers le rouge gravitationnel, et il apparaît donc naturellement dans notre équation favorite écrite ci-dessus.
Commençons à entrer plus en détail dans l’intimité de cette équation.

Découvrons notre équation

Univers observable
Vue d’artiste de l’Univers observable entre environ 300000 ans après le Big-Bang et jusqu’à nos jours (de l’extérieur du cercle vers l’intérieur). La figure peut être trouvée sur Wikipédia.

Tout commence par H(z). Les physiciens parlent de l’évolution en fonction du temps du paramètre de Hubble afin de le décrire. En termes plus précis et plus clairs, il s’agit de l’évolution du taux d’expansion de l’Univers avec le temps, le temps étant comme vous l’avez compris représenté en quelque sorte par le décalage vers le rouge z. Regardons le terme de droite de l’équation et suivons encore un peu l’histoire de l’Univers qui nous entoure et qui se déroule sous nos yeux en ce moment-même. Le membre de droite est composé d’un terme constant H_0, la constante de Hubble, et représente le taux d’expansion de l’Univers aujourd’hui, au moment exact où ces lignes sont écrites. Comme vous le constatez, tout ce qui est contenu sous la racine carrée dépend du décalage vers le rouge z. Si on décidait brutalement que z=0 (pas de décalage vers le rouge observé pour des astres extrêmement proches de nous, logique !), on obtient : H(z=0)=H_0\sqrt{\Omega_m+\Omega_k+\Omega_r+\Omega_\Lambda}.
Par chance \Omega_m+\Omega_k+\Omega_r+\Omega_\Lambda=1 (faites-moi confiance) et on a bien H(z=0)=H_0. Remontons dans le temps, c’est-à-dire donnons une valeur non nulle à z, et analysons ce qui se passe sous cette racine carrée. L’évolution de l’expansion de l’Univers dépend alors de quatre paramètres, \Omega_m, \Omega_k, \Omega_r, et \Omega_\Lambda dont la somme vaut 1 par définition et dont chacun dépend de manière différente de z :

  • Le premier d’entre eux, \Omega_m, nous décrit la densité d’énergie totale de matière qui se trouve dans l’Univers à l’heure où je vous parle. Matière ordinaire, celle qui compose tous les éléments terrestres formés au départ dans les explosions d’étoiles massives, mais aussi matière noire dont nous ne connaissons pas la nature, et dont l’existence est pourtant vérifiée par de nombreuses observations. Ces mêmes observations nous montrent que \Omega_m\sim0.3 , en d’autres termes la matière ne compte que pour 30% de la densité d’énergie totale de l’Univers. Eh oui, seulement 30% !
  • Le deuxième composant, \Omega_k, nous parle de la courbure actuelle de l’Univers. Les données actuelles tendent à montrer, mais rien n’est encore sûr, que l’Univers est plat et infini (\Omega_k\sim0).
  • Le troisième ingrédient, \Omega_r, représente la quantité de rayonnement présent dans l’Univers aujourd’hui, sous forme de photons ou de neutrinos, ces particules légères qui nous traversent par milliards sans que nous ne nous apercevions de rien. On estime que \Omega_m\sim0.05 , donc que l’Univers est composé de 5% de rayonnement.
  • Enfin le dernier constituant, \Omega_\Lambda, est de loin le plus étrange, le plus mystérieux et retrace la densité d’énergie noire présente dans notre Univers, ce fluide difficilement concevable qui est responsable de l’accélération de l’expansion de l’Univers. Nous n’avons aucune idée de sa nature, et pourtant il semblerait qu’il soit présent, là, tout autour de nous, empêchant la matière de se regrouper comme le voudrait la loi de la gravité. Si vous regardez plus attentivement ce paramètre, vous constatez comme moi qu’il ne dépend pas du décalage vers le rouge. La densité d’énergie noire est donc constante avec le temps. Il s’agit également du constituant le plus important dans l’Univers : sa mesure utilisant les données les plus récentes donne \Omega_\Lambda\sim0.7 .

Le modèle comportant 30% de matière (dont une part importante de matière noire) et 70% d’énergie noire appelé modèle de concordance est vérifié par un certain nombre d’observations, y compris les plus récentes provenant du satellite européen Planck [12].

Une description de l’histoire de l’Univers

Par ailleurs, en triturant un peu plus cette équation à multiples facettes, il est possible de dire, pour chaque période de l’Univers, quelle est la partie de son contenu qui domine le plus. Dans des temps très reculés, au moment où notre Univers n’était qu’une soupe très chaude de particules primordiales en interaction et en équilibre thermique les unes avec les autres, le rayonnement principalement sous forme de photons dominait complètement. Puis au fur et à mesure que la taille de l’Univers augmentait et que sa température chutait, les photons se sont comme détachés de la matière et ont permis à cette dernière de dominer le total du contenu énergétique de l’Univers. Tout le matériel nécessaire pour former les étoiles, les galaxies, et beaucoup plus tard les planètes, était alors présent. Plus récemment et jusqu’à aujourd’hui, c’est la fameuse énergie noire qui est l’élément présent en plus grand nombre, plus que la matière ou la lumière (voir figure ci-contre).

L’équation ci-dessus, comme vous l’avez compris, explique beaucoup des aspects les plus fascinants de l’évolution de l’Univers depuis le Big-Bang, mais introduit plusieurs éléments encore incompris, offrant ainsi des perspectives impressionnantes de recherches futures.

À nous de jouer !

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